Encyclopédie Polaire

BIODIVERSITÉ MARINE ET RÉSEAU ALIMENTAIRE

DANS L’OCÉAN ARCTIQUE, UNE VIE MARINE UNIQUE

Comparé aux autres océans, l’Arctique est plutôt pauvre en espèces. Depuis le zooplancton et jusqu’aux animaux des grands fonds, la vie marine est, le plus souvent, endémique ; c’est-à-dire typique de cette région. Cette faune arctique, qui s’avance en mer de Norvège mais ne franchit guère la mer de Béring, est donc précieuse. À préserver absolument.

DES ALGUES À L’OURS BLANC : LA CHAÎNE DE LA VIE

Même au contact de la glace, des algues poussent (phytoplancton) et les animaux du zooplancton (copépodes, etc.) viennent les brouter. Cette manne attire les poissons, eux-mêmes proies des oiseaux de mer, des cétacés et des phoques. À leur tour, ces derniers sont traqués, parfois jusque dans les parages du Pôle, par les ours blancs que suivent les oiseaux charognards.

LES ENGRAIS DE LA MER, PORTÉS PAR LES COURANTS

La circulation océanique favorise l’éclosion de la vie marine, en apportant les éléments indispensables à la croissance des algues planctoniques. Mais dans l’océan Arctique, l’extension saisonnière des glaces, rythmant apports nutritifs et éclairement, commande la chaîne alimentaire.

MÊME DANS LA NUIT HIVERNALE, LA VIE CONTINUE

En hiver, la poussée planctonique – liée à la photosynthèse – est extrêmement ralentie. Les animaux doivent trouver d’autres formes de nourriture : organismes qui ont proliféré en été et détritus divers. Certains invertébrés consomment même des réserves de graisse, accumulées dans leur corps durant l’été. Ainsi subsistent d’innombrables bactéries, mais aussi crustacés, éponges ou corail des glaces.

LA PRODUCTION PRIMAIRE DES OCÉANS

Les océanographes estiment la quantité de plancton végétal présent à un moment donné dans une région océanique (biomasse) en mesurant la teneur des eaux en chlorophylle. La biomasse végétale de l’océan, presque totalement due à des algues microscopiques, est mille fois inférieure à celle des plantes terrestre. Par contre, le phytoplancton se multiplie très rapidement : une seule diatomée peut donner, à raison de deux divisions cellulaires par 24 heures, 1 million de descendants au bout de 10 jours ! (rien à voir avec un arbre de nos forêts qui demande parfois 100 ans pour achever sa croissance). Aussi, grâce à la rapidité de multiplication des algues planctoniques, la production primaire de l’océan, mesurée en utilisant le carbone 14 absorbé par photosynthèse comme traceur, devient, elle, comparable à la production continentale : un hectare d’océan produit annuellement de 200 kg à près de 2 tonnes de carbone selon les régions, contre 2 tonnes pour un champ de maïs.

LES RÉGIONS LES PLUS RICHES DE L’OCÉAN ARCTIQUE: ZONES CÔTIÈRES ET ESTUAIRES

En mai, on a observé100 fois plus d’amphipodes benthiques sous la surface des glaces côtières canadiennes que sur le fond même de l’océan ! En effet, là où la lumière solaire atteint le fond, la productivité des plantes, et donc des animaux, est accrue. Les fleuves apportent des nutriments continentaux avec le redoux printanier et la glace fond plus vite dans les estuaire qu’ailleurs. Ainsi, longtemps ignorée, une vie polaire sous-glaciaire se perpétue au fil des ans, résistant avec succès au gel hivernal.
D’un point de vue général, on peut dire que la biomasse des espèces constituant les niveaux les plus élevés du réseau alimentaire océanique arctique (vertébrés) est relativement faible. Mais via l’ensemble de la chaîne, les polluants se retrouvent concentrés dans les ultimes prédateurs (oiseaux de mer, phoques, cétacés, ours…). Par exemple, des traces de métaux lourds issus des activités humaines (zinc, cadmium, mercure, sélenium…) ont été retrouvées dans les dents des phoques ou les poils des ours.

LES POLYNIES, DES OASIS DE VIE À LA SURFACE DE L’OCÉAN ENGLACÉ

Au cœur de la banquise arctique, vents et courants créent des zones d’eau libre – c’est-à-dire libre de glaces – appelées polynies. Leur présence permet une abondante activité de la vie marine (plancton, poissons, oiseaux et mammifères marins).
Certaines polynies apparaissent régulièrement, comme la Grande Polynie Sibérienne de la mer de Laptev, présente chaque année du début octobre à la fin du mois de juin. Même au plus froid de l’hiver, elle s’étend sur plus de 2OO km et ses eaux libres permettent aux morses et aux phoques d’y subsister, accompagnés de leurs prédateurs (ours, renards). Dès le début du printemps, eiders, guillemots, canards à longue queue, etc. viennent s’y nourrir par milliers de poissons et de coquillages.

UNE CHAÎNE ALIMENTAIRE COMPLÈTE DANS LES GLACES DE LA BANQUISE

À l’intérieur de la banquise elle-même, la vie s’installe entre les cristaux de glace douce, dans les fins chenaux de saumures. Un réseau alimentaire complet composés d’algues planctoniques (prasinophytes, dinoflagellés, chrisophytes, diatomées) et de décomposeurs (bactéries) se développe ainsi.
Certains de ces organismes passent toute leur vie dans la banquise, d’autres seulement une partie. Mais tous sont adaptés à des écarts de salinité et d’éclairement importants. Ainsi, même durant l’hiver arctique, certaines algues continuent leur photosynthèse en profitant des très faibles lueurs de la nuit polaire.
Ces organismes proviennent du monde marin mais aussi des fleuves. En hiver, la diversité des espèces et leur quantité est faible ; mais au printemps, leur développement, puis celui de leurs consomateurs, explosent. À l’automne, au moment de la prise de la banquise, ils restent accrochés à la glace. Dans la banquise vieille de plusieurs années, qui a donc connu plusieurs cycles de ce type, on retrouve des bandes successives de communautés microscopiques datant les différentes “floraisons”.

DES COMMUNAUTÉS DE VIE SUR LE FOND DE L’OCÉAN ARCTIQUE

Les grands fonds de l’océan Glacial, coiffé de son couvercle de banquise permanente, sont plus pauvres que ceux des autres océans, car la photosynthèse de surface y est plus réduite. Cependant, comme ailleurs dans les abysses, des oasis de vie indépendantes de la photosynthèse se développent localement, profitant de sources de méthane et de sulfate d’hydrogène qui s’échappent du sous-sol. Les producteurs primaires ne sont plus alors des algues – car il n’y a pas de lumière – mais des bactéries capables de “digérer” le méthane ou les sulfates : la photosynthèse laisse la place à une chimiosynthèse.
En mer de Barents, un volcan de boue a ainsi été découvert, nappé d’un film blanchâtre : des bactéries. Les chercheurs y ont rencontré une faune particulière, dont toute la chaîne alimentaire est basée sur ces bactéries mangeuses de méthane.
Au cours de l’été 2001, une campagne océanographique a découvert à son tour une dorsale active, la dorsale Gakkel, qui recèle une succession de volcans sous-marins et de “fumeurs noirs” (cheminées hydrothermales). Éponges et crustacés d’espèces inconnues ont été remontés des profondeurs.
Sous les glaces, de nouvelles oasis de vie restent à découvrir…

LE COIN DES BIOLOGISTES

Les basses températures limitent le nombre d’espèces – bien que chacune comporte un très grand nombre d’individus – et ralentit le métabolisme des êtres vivants.
Si, en mer chaude, certains copépodes peuvent, par exemple, réaliser leur cycle biologique en 15 jours, d’autres attendent près de deux ans en eau polaire avant d’atteindre leur maturité sexuelle.

> Les animaux marins capables de supporter de grandes variations de salinité sont favorisés pour survivre aux rythmes des glaces : on a vu par exemple, en juin, une eau de mer s’adoucir en moins d’une heure, pour se stabiliser à 32 %° quelques jours plus tard.

LE COIN DES PHYSICIENS

Les polynies côtières (du russe polynia, clairière) naissent lorsque le vent repousse les glaces de la banquise vers le large, appelant ainsi en surface des eaux sous-jacentes moins froides et libérant une zone d’eau libre ; dans ce “trou d’eau”, le processus de formation de glace/expulsion par le vent s’auto-entretient. Les polynies sont de véritables “fabriques” de glace de mer et donc de saumures.
“L’impact climatique des polynies est difficile à estimer. Elles sont associées au dégagement d’énormes quantités de chaleur vers l’atmosphère, mais aussi à des plongées d’eau dense qui transportent vers le fond de l’océan les gaz échangés avec l’atmosphère”.
On estime que, par cette congélation permanente, les polynies cèderaient plusieurs centaines de watts par m2 à l’atmosphère (chaleur latente de congélation).
On les distingue de l’holoplancton, qui rassemble les animaux qui demeurent planctoniques leur vie entière (foraminifères, radiolaires, copépodes, chétognathes, etc.).

POUR ALLER PLUS LOIN …

BIBLIOGRAPHIE

  • L’Arctique et l’environnement boréal, P. Avérous – CNDP, 1995
  • L’Antarctique et l’environnement polaire (2) “EREBUS” ,P. Avérous – Dossier pédagogique – CNDP-1992
  • Chercheurs sur l’Océan”, P.Avérous – Hachette – 1981
  • Les missions de l’Antarctica : la traversée de Pacifique – 1994
  • Arctic Flora and Fauna : status and conservation (CAFF, Conservations of Arctic Flora and Fauna, Helsinski Edita, 2001)
  • Le feu sous les glaces – Sylvie Rouat, Sciences et Avenir – février 2002
  • L’océan planétaire, Science et Avenir – 1994

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